Le marché unique du numérique

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La Commission européenne progresse à l’heure actuelle – à grands pas – vers la conclusion de sa stratégie pour un marché unique du numérique. Il s’agissait là d’une des grandes priorités politiques de la Commission de Jean-Claude Juncker et l’activité de la présidence estonienne à cet égard témoigne de l’importance du sujet. Le marché unique du numérique comprend par définition un vaste éventail de secteurs, tous touchés par la révolution digitale. L’ambition première qui préside à cette politique est donc de faire advenir un marché intérieur dans lequel la grande majorité des barrières nationales injustifiées auraient disparu, en vue de faciliter les échanges et notamment la circulation des données. Cette ambition initiale, destinée à favoriser la croissance d’entreprises numériques qui souffrent encore trop souvent, en France et en Europe, d’une petite taille par rapport à leurs concurrents mondiaux, s’est doublée d’une seconde dimension : la volonté de réguler le secteur numérique. Les bouleversements technologiques récents nécessitent en effet une adaptation de la législation de l’Union sur, là encore, un vaste champ d’actions, de la valorisation des œuvres culturelles au respect d’une juste contribution aux budgets publics. Les questions de sécurité et de protection de la vie privée justifient également l’intervention publique. C’est dans cette perspective que vos rapporteurs ont souhaité aborder cet ensemble très hétérogène sous l’angle des propositions récentes en matière de législation européenne, et plus précisément par le biais de quatre axes. En premier lieu, la proposition de règlement dite « ePrivacy », qui vise à adapter les principes de protection des données personnelles issus du Règlement général de protection des données (RGPD) au domaine des télécommunications, tire sa légitimité de l’obsolescence des textes précédents. L’irruption de nouveaux acteurs dits « over the top » justifie en effet une adaptation de la législation à la nouvelle donne technologique. Ces nouveaux acteurs des télécommunications, dits aussi « services par contournement », permettent d’échanger des données sans passer par les biais habituels que sont les compagnies de câble ou de satellite. Des exemples de telles compagnies sont connus : WhatsApp, Facebook Messenger entrent, parmi d’autres, dans cette catégorie. Il n’en demeure pas moins que, pour vos rapporteurs, la notion de consentement parfaitement pertinente dans le cadre du RGPD doit s’appliquer aux traceurs, dits « cookies », sans pour autant compromettre le développement de services numériques à valeur ajoutée dont le modèle économique repose sur l'exploitation des données à des fins publicitaires. Le projet de règlement visant à favoriser la libre circulation des données non-personnelles au sein de l’Union européenne recueille également la faveur de vos rapporteurs, qui souhaitent rappeler qu’au sein du marché unique du numérique, il faut avant tout favoriser la dimension de marché. Dès lors, les restrictions nationales injustifiées à la circulation de ces données, la localisation forcée des données en fonction de considérations stratégiques parfois faussées sont autant d’obstacles à la formation d’ensembles de données susceptibles d’être ensuite traitées par des entreprises européennes et, partant, contribuer à leur croissance. Il demeure que la localisation forcée des données peut se justifier dans certains cas. Ainsi, il peut également apparaître légitime que les États puissent conserver ce qui relève des archives publiques et des trésors nationaux au sein de leur territoire. Le « paquet » cybersécurité, qui s’articule principalement autour de la proposition de règlement visant à étendre le mandat de l’ENISA, l’Agence européenne de cybersécurité, traduit là encore une approche communautaire de questions touchant à des dimensions régaliennes. C’est pourquoi le renforcement de l’action de l’ENISA ne peut se traduire, pour vos rapporteurs, par l’affaiblissement des modalités d’action des agences nationales, sans quoi le niveau de cybersécurité européen pourrait en pâtir. C’est au contraire sur la collaboration entre les agences nationales et l’agence européenne, ainsi que sur l’adoption d’un système de certification ambitieux mais proportionné aux nécessités de certification propres à chacun des services numériques échangé au sein du marché intérieur que doit porter l’effort de législation européenne. Vos rapporteurs ont également souhaité saluer et accompagner l’initiative française en faveur d’une « taxe d’égalisation » pour les entreprises du secteur numérique. Il ne s’agit, certes, que d’un premier pas vers la mise en place d’un système fiscal efficace et juste à l’échelle de l’Union. Il s’agirait néanmoins d’un outil nécessaire, dans l’attente des conclusions des travaux de l’OCDE à ce sujet, au printemps 2018 et de la mise en place d’une Assiette Commune Consolidée pour l’Impôt des Sociétés (ACCIS). Enfin, si ce point n’a pas fait l’objet d’une réflexion approfondie dans le cadre de cette mission, vos rapporteurs ont relevé avec intérêt le développement des réflexions actuelles sur l’économie des plateformes. Celles-ci structurent déjà en grande partie les pratiques quotidiennes de millions d’Européens sur Internet. Ce statut emporte des responsabilités, notamment à l’égard de la juste valorisation des œuvres culturelles par le respect des principes du droit d’auteur et de la lutte contre la propagation de discours haineux ou faisant l’apologie du terrorisme.
Keywords: 
Digital Single Market, Digital Future, Single Market Integration
Country of publication: 
France
File: 
Publication date: 
Friday, December 8, 2017
Title Original Language: 
Le marché unique du numérique
Abstract Original Language: 
La Commission européenne progresse à l’heure actuelle – à grands pas – vers la conclusion de sa stratégie pour un marché unique du numérique. Il s’agissait là d’une des grandes priorités politiques de la Commission de Jean-Claude Juncker et l’activité de la présidence estonienne à cet égard témoigne de l’importance du sujet. Le marché unique du numérique comprend par définition un vaste éventail de secteurs, tous touchés par la révolution digitale. L’ambition première qui préside à cette politique est donc de faire advenir un marché intérieur dans lequel la grande majorité des barrières nationales injustifiées auraient disparu, en vue de faciliter les échanges et notamment la circulation des données. Cette ambition initiale, destinée à favoriser la croissance d’entreprises numériques qui souffrent encore trop souvent, en France et en Europe, d’une petite taille par rapport à leurs concurrents mondiaux, s’est doublée d’une seconde dimension : la volonté de réguler le secteur numérique. Les bouleversements technologiques récents nécessitent en effet une adaptation de la législation de l’Union sur, là encore, un vaste champ d’actions, de la valorisation des œuvres culturelles au respect d’une juste contribution aux budgets publics. Les questions de sécurité et de protection de la vie privée justifient également l’intervention publique. C’est dans cette perspective que vos rapporteurs ont souhaité aborder cet ensemble très hétérogène sous l’angle des propositions récentes en matière de législation européenne, et plus précisément par le biais de quatre axes. En premier lieu, la proposition de règlement dite « ePrivacy », qui vise à adapter les principes de protection des données personnelles issus du Règlement général de protection des données (RGPD) au domaine des télécommunications, tire sa légitimité de l’obsolescence des textes précédents. L’irruption de nouveaux acteurs dits « over the top » justifie en effet une adaptation de la législation à la nouvelle donne technologique. Ces nouveaux acteurs des télécommunications, dits aussi « services par contournement », permettent d’échanger des données sans passer par les biais habituels que sont les compagnies de câble ou de satellite. Des exemples de telles compagnies sont connus : WhatsApp, Facebook Messenger entrent, parmi d’autres, dans cette catégorie. Il n’en demeure pas moins que, pour vos rapporteurs, la notion de consentement parfaitement pertinente dans le cadre du RGPD doit s’appliquer aux traceurs, dits « cookies », sans pour autant compromettre le développement de services numériques à valeur ajoutée dont le modèle économique repose sur l'exploitation des données à des fins publicitaires. Le projet de règlement visant à favoriser la libre circulation des données non-personnelles au sein de l’Union européenne recueille également la faveur de vos rapporteurs, qui souhaitent rappeler qu’au sein du marché unique du numérique, il faut avant tout favoriser la dimension de marché. Dès lors, les restrictions nationales injustifiées à la circulation de ces données, la localisation forcée des données en fonction de considérations stratégiques parfois faussées sont autant d’obstacles à la formation d’ensembles de données susceptibles d’être ensuite traitées par des entreprises européennes et, partant, contribuer à leur croissance. Il demeure que la localisation forcée des données peut se justifier dans certains cas. Ainsi, il peut également apparaître légitime que les États puissent conserver ce qui relève des archives publiques et des trésors nationaux au sein de leur territoire. Le « paquet » cybersécurité, qui s’articule principalement autour de la proposition de règlement visant à étendre le mandat de l’ENISA, l’Agence européenne de cybersécurité, traduit là encore une approche communautaire de questions touchant à des dimensions régaliennes. C’est pourquoi le renforcement de l’action de l’ENISA ne peut se traduire, pour vos rapporteurs, par l’affaiblissement des modalités d’action des agences nationales, sans quoi le niveau de cybersécurité européen pourrait en pâtir. C’est au contraire sur la collaboration entre les agences nationales et l’agence européenne, ainsi que sur l’adoption d’un système de certification ambitieux mais proportionné aux nécessités de certification propres à chacun des services numériques échangé au sein du marché intérieur que doit porter l’effort de législation européenne. Vos rapporteurs ont également souhaité saluer et accompagner l’initiative française en faveur d’une « taxe d’égalisation » pour les entreprises du secteur numérique. Il ne s’agit, certes, que d’un premier pas vers la mise en place d’un système fiscal efficace et juste à l’échelle de l’Union. Il s’agirait néanmoins d’un outil nécessaire, dans l’attente des conclusions des travaux de l’OCDE à ce sujet, au printemps 2018 et de la mise en place d’une Assiette Commune Consolidée pour l’Impôt des Sociétés (ACCIS). Enfin, si ce point n’a pas fait l’objet d’une réflexion approfondie dans le cadre de cette mission, vos rapporteurs ont relevé avec intérêt le développement des réflexions actuelles sur l’économie des plateformes. Celles-ci structurent déjà en grande partie les pratiques quotidiennes de millions d’Européens sur Internet. Ce statut emporte des responsabilités, notamment à l’égard de la juste valorisation des œuvres culturelles par le respect des principes du droit d’auteur et de la lutte contre la propagation de discours haineux ou faisant l’apologie du terrorisme.
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