Après avoir longtemps refusé de réviser la législation européenne en matière de travail détaché, la Commission a enfin présenté le 8 mars 2016 une proposition de directive visant à modifier la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services. Cette réforme, portée courageusement par la Commissaire pour l'emploi, les affaires sociales, les compétences et la mobilité des travailleurs, madame Marianne Thyssen, entend compléter la directive d’exécution 2014/67/UE de la directive susmentionnée et qui doit être transposée en droit national d’ici la fin du premier semestre 2016. Notre assemblée avait d’ailleurs adopté à l’unanimité le 11 juillet 2013 une résolution européenne relative à cette directive d’exécution, qui invitait la Commission "à absolument se doter de dispositions et de moyens d’une tout autre ampleur pour prétendre accéder à son objectif de lutter efficacement contre le phénomène de dévoiement du détachement". Un an plus tard, la France non seulement transposait par anticipation la directive d’exécution mais se dotait de dispositions qui ont directement inspiré le présent projet de directive, faisant ainsi de notre pays l’un des fers de lance du combat contre le dévoiement du détachement de travailleurs en Europe. C’est à ce titre que la France a soutenu sans relâche la nécessité de modifier en profondeur la directive de 1996. Malgré une réaction très tardive de la Commission à l’ampleur du dévoiement des règles de détachement qu’elle avait établies en 1996, il convient de se réjouir du texte de révision que la Commissaire Thyssen a présenté. Ce projet de directive, ambitieux par rapport à la réforme cosmétique opérée par la directive d’exécution de 2014, apporte une clarification du concept de détachement pour assainir, à la source, la pratique de cette méthode d’accompagnement des échanges réels de biens et de services. Perfectible et dépendant d’autres réformes d’ampleur que la Commission devra mener en parallèle, ce texte est d’ores et déjà soumis à de fortes pressions de la part de certains États membres qui sont parvenus à déclencher la procédure dite de "carton jaune". Il est donc à craindre que le compromis final, s’il est atteignable, soit bien en deçà des enjeux politiques, économiques et sociaux posés par le dévoiement du détachement de travailleurs.