L’agriculture française s’est fondamentalement transformée depuis l’après-guerre. Elle est désormais intégrée dans un système mondialisé et doit faire face à des défis majeurs: a) le défi de l’alimentation: il s’agit de satisfaire les besoins alimentaires grâce à une production de qualité, en quantité adéquate et dans le respect de la souveraineté alimentaire; b) le défi de la santé il vise tant la santé des agriculteurs et des salariés que celle des consommateurs; c) le défi économique: il consiste à garantir l’avenir de l’agriculture à travers la rentabilité des exploitations, une augmentation du ratio revenu/chiffre d’affaires, une productivité analysée de façon globale, la création de valeur ajoutée, la transmissibilité des fermes; d) le défi social: il impose de préserver, voire créer, des emplois attractifs et de qualité, tant salariés que non-salariés, en activant la formation, l’accompagnement à la conversion, la transition, la revalorisation de l’image du métier d’agriculteur; e) le défi sociétal: il s’agit de répondre aux attentes de la société et à leurs évolutions en termes de qualité de l’alimentation; f) le défi environnemental: il implique de restaurer les fonctionnalités naturelles des écosystèmes pour mieux utiliser les interactions biologiques et leurs potentiels en réduisant les apports d’intrants chimiques et la consommation d’énergies non renouvelables; g) le défi territorial: il s’agit de réaffirmer la vocation alimentaire et le lien à la terre de l’agriculture qui doit contribuer au dynamisme des territoires et à la préservation voire l’amélioration des paysages; h) le défi technique: il suppose que les innovations d’ores et déjà conçues par certains pionniers, soient effectivement intégrées et diffusées par la recherche, pour contribuer à relever l’ensemble des défis qui précédent. L’agroécologie est avant tout une discipline scientifique au carrefour de l’agronomie et de l’écologie. C’est aussi la somme des pratiques qui en découlent. Elle permet non seulement de transformer l’agriculture mais aussi de repenser l’ensemble des systèmes alimentaires afin de les rendre plus durables. Ancrée dans les réalités locales, elle revêt une dimension à la fois territoriale et globale et peut être présentée comme un système d’interactions entre les acteurs impliqués dans la gestion des exploitations agricoles, les filières et les ressources naturelles. Elle est de plus en plus mise en oeuvre dans le monde et est considérée par les instances internationales comme une des réponses aux différents défis. Un plan d’actions, structuré autour de grands chantiers, a été défini et un Comité national d’orientation et de suivi mis en place. S’il est difficile de mesurer l’importance de l’agroécologie faute d’outils statistiques pertinents, on observe cependant des changements en cours. Cette progression s’explique par des résultats positifs attestés par des travaux de recherche. La pratique de l’agroécologie
contribue à renforcer la fertilité des sols et augmenter les performances agronomiques des fermes, réduire les coûts et favoriser autonomie et résilience. Elle peut aussi améliorer les conditions de vie des agriculteurs et des salariés et contribuer à la revalorisation de leur métier. Aux citoyens/consommateurs, elle doit permettre de fournir une alimentation de meilleure qualité sanitaire et nutritionnelle tout en préservant la biodiversité et les paysages. L’agroécologie peut en outre contribuer à la création d’emplois ainsi qu’à la lutte contre la désertification des campagnes. S’engager dans l’agroécologie peut correspondre pour certains agriculteurs à une prise de risques. Dans ce contexte, les démarches collectives forment un levier essentiel pour favoriser la nécessaire transition. Initiées pour certaines depuis longtemps, elles montrent le rôle primordial de l’observation, de l’expérimentation, du partage d’expériences, des échanges de pratiques et de savoir-faire. De leur côté, les freins au développement de l’agroécologie opèrent à tous les échelons des filières, de la sélection génétique à la transformation en passant par la logistique. Ils sont économiques, sociaux, cognitifs, culturels, mais aussi réglementaires et liés aux politiques publiques. Ils interagissent et créent un ensemble systémique: la stratégie de chaque acteur renforce celle des autres, aucun.e d’entre eux n’ayant donc intérêt à une remise en cause de sa stratégie individuelle. L’agroécologie correspond à une démarche systémique dont la mise en oeuvre requiert des changements collectifs. C’est la question de l’agriculture de demain, de son maintien, du rôle et du nombre des agriculteurs, qui est ainsi posée et à laquelle de nombreuses initiatives, déjà engagées, tentent de répondre. Pour que le changement soit possible, il faut actionner de façon coordonnée l’ensemble des leviers disponibles. Si l’implication de tous (chercheurs, agriculteurs, coopératives, salariés, producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs), est impérative, l’accompagnement des producteurs, la réorientation des politiques publiques et la cohérence des soutiens apparaissent tout autant décisifs.