La Turquie: une relation complexe mais incontournable
Interact
Après avoir connu, pendant plus d’une décennie, un développement économique rapide, accompagné d’une stabilité politique, d’une ouverture diplomatique et d’un accroissement de son pouvoir d’influence dans le monde, la Turquie est aujourd’hui confrontée à de multiples défis. Elle connaît une spirale de violences induite par le conflit syrien. La guerre contre le PKK a repris en juillet 2015, contribuant à radicaliser cette organisation à l’origine de plusieurs attentats sur le territoire turc. Daech à qui plusieurs attaques ont été attribuées, notamment à Ankara et à Istanbul, y est également actif. La Turquie est par ailleurs confrontée à une crise migratoire majeure, puisqu’elle accueille 2,7 millions de réfugiés pour une population de 74 millions d’habitants. Confrontée à ces évolutions, la Turquie a fait des choix qui ont contribué à la fragiliser diplomatiquement et économiquement. Depuis 2002, la Turquie semblait en bonne voie pour réaliser l’ambition qui est la sienne de constituer un modèle et de devenir un leader au Moyen-Orient. L’arrivée au pouvoir du parti conservateur musulman pro-européen AKP a constitué un tournant politique et une transformation sociale. Ce parti, réaffirmant des valeurs traditionnelles, tout en prônant le développement économique et l’ancrage à l’Europe, a semblé incarner une synthèse des différentes composantes et aspirations de la société turque. Les clivages ethniques, religieux et culturels de cette société, ainsi que les conflits de valeurs, réapparaissent toutefois avec force aujourd’hui. Tandis qu’une majorité d’électeurs a reconduit l’AKP aux élections législatives de novembre 2015, un climat passionnel semble s’être installé, marqué par des peurs réciproques. La Turquie est-elle passée à côté des opportunités majeures qui semblaient s’ouvrir au début des années 2000: l’opportunité d’un apaisement de la société turque, et celle d’un renforcement du dialogue entre les puissances occidentales et celles du Proche et Moyen-Orient, par l’entremise de la Turquie? Quelle est l’attitude à adopter vis-à-vis de la Turquie? Le dialogue avec l’Union européenne a été relancé par la crise migratoire, qui a conduit à promettre à la Turquie une accélération des négociations d’adhésion et de la libéralisation des visas, en échange de sa coopération à la résolution de ce drame humanitaire. Les accords conclus ont permis de gagner du temps. Ils ne paraissent toutefois devoir résoudre à long terme aucune des questions qu’ils abordent. La France doit faire entendre de façon plus audible ses positions à ce sujet, tandis que la négociation entre l’Union et la Turquie est apparue de fait comme une négociation entre l’Allemagne et la Turquie. S’agissant des relations bilatérales franco-turques, la dernière décennie a été marquée par plusieurs sources de tensions. D’une part, le gel par la France de plusieurs chapitres du processus d’adhésion de la Turquie à l’Union a refroidi ces relations. D’autre part, l’examen au Parlement français de plusieurs propositions de loi tendant à pénaliser la négation du génocide des Arméniens a suscité plusieurs crises. Ces difficultés ont aujourd’hui été surmontées. Un rapprochement s’est opéré à compter de 2012 et en 2014 par l’élaboration d’un plan d’action conjoint de coopération. La Turquie est aujourd’hui un partenaire indispensable dans la lutte contre Daech et la gestion des flux migratoires. Dans ce contexte, le présent rapport vise à analyser les ressorts de l’évolution de la Turquie et de ses relations avec l’Union, ainsi qu’avec la France. Il vise également à formuler des propositions, dans le but de clarifier les ambiguïtés existant dans les relations avec la Turquie et de renouer avec ce pays en mettant en oeuvre une feuille de route visant à relancer la coopération à tous les niveaux.