Le Partenariat oriental: une nécessaire refondation
Interact
La Politique européenne de voisinage a été fondée en 2004 afin de donner corps à l’idée d’un cercle de pays situés aux marches de l’Union européenne qui partageraient ses valeurs et ses objectifs fondamentaux et qui seraient décidés à s’engager avec elle dans une relation plus étroite allant au-delà de la coopération. Le projet était très ambitieux, mais il reflétait parfaitement l’optimisme qui existait alors. Au départ, Romano Prodi souhaitait "créer un cercle d’amis" et il préconisait de "mettre en commun tout sauf les institutions". Il s’agissait de tous les voisins de l’Europe et même de ceux qui n’étaient pas européens. Au fond, il fallait surtout éviter l’émergence de nouvelles lignes de division entre l’Union récemment élargie à l’Est et ses voisins. De facto, cette ligne de fracture existait à l’Est dans la mesure où les nouveaux voisins de l’Union élargie à l’Est étaient et sont encore très loin des critères démocratiques et économiques européens. Mais l’Union manifestait ainsi sa volonté d’un renforcement des relations politiques et d’un resserrement de l’intégration économique à l’intention de tous les pays voisins. L’idée sous-jacente est bien celle d’un progrès continu vers l’Est, progrès qui amènerait à effacer pas à pas les différences encore criantes existent entre l’ouest et l’est de l’Europe. En ce sens, le Partenariat oriental est un acte de foi dans l’avènement d’une Europe totalement réunifiée et prospère. L’autre idée tacite reposait sur l’espoir qu’une politique dédiée à l’est de l’Europe permettrait de manifester l’intérêt de l’Europe pour cette région et, à terme, de renforcer sa normalisation après 70 ans d’antagonisme idéologique avec l’ouest. Cette politique de l’est est inspirée par une longue tradition en Allemagne et en Pologne. On peut parler, à propos du Partenariat oriental, d’une "Ostpolitik à l’européenne". Pourtant certains caressent encore l’idée d’une parfaite réunification de l’Europe et continuent à voir dans le Partenariat un outil prometteur. Une parfaite réunification de l’Europe passerait par d’autres élargissements de l’Union et même si cette politique de voisinage se distingue de la politique d’élargissement, l’idée reste que tous doivent participer à la construction d’un espace commun de prospérité, à défaut d’une union. C’est pourquoi l’Union a proposé cette politique également à la Russie qui a décliné l’offre, mais qui a accepté un partenariat stratégique. Bruxelles a découvert avec surprise que le modèle européen pouvait cesser d’être souhaitable pour tous. Enfin, il faut souligner que le Partenariat oriental constitue un des piliers de la Politique européenne de voisinage qui comprend aussi la politique méditerranéenne de l’Union pour la Méditerranée. Alors, quel bilan pour le Partenariat oriental? Décevant sans doute à l’aune de ses objectifs originels. Jusqu’à présent, il n’a certes pas permis d’instituer une vaste zone de stabilité, de prospérité et de sécurité. Et pourtant loin d’être négligeable si l’on prend en compte les avancées observées depuis sept ans dans des pays qui, quoique très divers à première vue, présentent plusieurs points communs structurels: une indépendance récente, une situation de départ objectivement très éloignée des standards ouesteuropéens et une relation forte avec la Russie. Le Partenariat oriental présente donc un bilan en demi-teinte. Politique généreuse et courageuse, le Partenariat oriental, moyennant certaines réorientations, a encore des réalisations à accomplir. Son bilan d’ensemble ne pourra être mesuré que sur la durée. Débarrassé de ses déclarations grandiloquentes, le Partenariat sera un succès s’il fait progresser, selon son rythme, en fonction de son histoire et de ses spécificités, chacun des pays qu’il concerne. C’est pourquoi il doit demeurer une priorité européenne, sur le plan tant politique que budgétaire. L’abandonner serait un mauvais signal adressé à ces pays. Il doit aussi démontrer sa légitimité et son utilité aux yeux de la Russie elle-même. La logique de confrontation est stérile. Plutôt que de créer des frustrations réciproques par des discours clivants, le Partenariat doit montrer qu’il ne vise ni à "contenir" ni même à concurrencer la Russie, mais plutôt à contribuer à des relations apaisées et coopératives entre l’Union et son grand voisin.