Proposition franco-allemande d’un "pacte de sécurité européen"
Interact
En 2003, la Stratégie européenne de sécurité, élaborée par le Haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commençait par ces mots: "l’Europe n’a jamais été aussi prospère, aussi sûre, ni aussi libre". 2003, c’était il y a maintenant 13 ans et depuis, l’environnement de sécurité de l’Union s’est considérablement dégradé. Celle-ci est en effet actuellement confrontée à une multitude sans précédent de crises déstabilisant son voisinage proche, dont les répercussions se font sentir à l’intérieur de ses frontières, notamment par l’afflux de réfugiés et la multiplication des actes terroristes. Ces crises remettent en cause ce que l’Europe a réussi à bâtir depuis sa création, un espace de liberté bien sûr mais également les valeurs communes et une certaine idée de la solidarité qui doit unir les États membres dans l’adversité. Le sommet qui s’est tenu à Bratislava le 16 septembre dernier s’est conclu par la nécessité de relancer l’Europe. Les États membres ont ainsi montré leur volonté de se "concentrer sur les attentes des citoyens", seuls à même de "susciter leur confiance et leur soutien". Or, ce que les citoyens demandent aujourd’hui à l’Europe, c’est qu’elle prenne les mesures nécessaires, dans le respect des valeurs communes, afin de conjurer ces crises et protéger le territoire européen de leurs répercussions. En effet, parce qu’elles sont globales, ces crises ne peuvent être résolues au niveau des États et appellent donc une réponse européenne qui, elle-même, doit être globale et mobiliser l’ensemble des instruments utiles. Tel est l’objet de l’initiative franco-allemande pour un Pacte de sécurité européen. Nous sommes aujourd’hui dans une situation paradoxale: les eurosceptiques semblent dominer le débat public et peu de voix parviennent à faire oeuvre pédagogique pour parler des réussites de l’Europe, mais en même temps les attentes en matière de sécurité sont patentes. L’Union n’est plus aujourd’hui perçue comme un grand marché. On lui demande d’être un facteur de protection et on voudrait lui conférer certains attributs régaliens comme la défense contre le terrorisme, ou la gestion efficace des frontières extérieures. Les citoyens ont bien conscience de la forte interdépendance des États et de leur impuissance à réagir chacun dans leur pré carré national contre les menaces transnationales, comme le terrorisme ou les crises migratoires. L’Union doit faire de cette période troublée une occasion de sursaut. Les incertitudes soulevées par le résultat de l’élection présidentielle américaine du 8 novembre 2016 s’agissant de la pérennité et de l’ampleur de l’implication des États-Unis dans la sécurité européenne notamment dans le cadre de l’Otan sont une occasion historique pour élaborer une nouvelle stratégie de sécurité pour l’Union qui coordonne étroitement sa politique extérieure avec les enjeux de sécurité intérieure. Nous devons répondre à la demande de sécurité des citoyens et faire de l’Union un pôle de stabilité régionale et internationale. Cette démarche globale et cohérente ne peut être crédible que si nous faisons collectivement un effort de mobilisation. L’Union est perçue par les citoyens comme un symbole d’impuissance collective car les grandes déclarations ne sont jamais suivies de réalisations concrètes et rapides. Sans nier la complexité de certains mécanismes, il faut que l’Union accélère la mise en oeuvre de ses décisions et vérifie concrètement que les mesures annoncées sont véritablement opérationnelles. Récemment, le Commissaire Julian King, chargé de l’Union de la sécurité a présenté son deuxième rapport sur les progrès accomplis dans "la mise en place d’une Union de la sécurité réelle et effective" et M. Gilles De Kerchove, le coordinateur européen de la lutte anti-terroriste a dressé devant le Conseil des ministres JAI, le 18 novembre dernier, le bilan des mesures prises par les Européens en matière de lutte anti-terroriste. Ces deux rapports soulignent les progrès réalisés pour répondre aux menaces mais constatent aussi que les résultats opérationnels ne sont pas à la hauteur des enjeux. Des textes sont toujours en souffrance ou de graves lacunes dans la mise en oeuvre des décisions sont à déplorer. L’Union européenne doit passer aux actes. Il y va de notre crédibilité et en matière de défense. Il faut éviter de se payer de mots.