Title Original Language:
L’aide publique au développement
Abstract Original Language:
L’aide publique au développement française se trouve aujourd’hui à un moment décisif de son histoire. Au terme d’un déclin qui a vu sa part dans notre revenu national tomber de 0,50 à 0,36 % de 2010 à 2016, le gouvernement a annoncé pour les quatre prochaines années un effort budgétaire sans précédent qui devrait amener cette part à 0,55 % du revenu national en 2022, avant de se poursuivre pour atteindre 0,7 % à une date qui reste à déterminer. Cet effort interviendrait alors que le paysage de l’aide publique au développement dans le monde a profondément évolué, et à un moment où les besoins du monde en développement ont également considérablement changé. Alors que l’aide au développement a longtemps été conçue comme un simple transfert de richesse du Nord vers le Sud, il est devenu évident que rien n’est simple en matière de développement. La rapide croissance mondiale observée depuis 2000 a été accompagnée par une croissance démographique sans précédent en Afrique subsaharienne, une progression des inégalités dans de nombreuses régions, l’arrivée de nouveaux acteurs de premier plan sur la scène internationale et le déclenchement de crises et de situations d’instabilité dont on peine à sortir. Dans ce contexte, l’aide publique au développement a plus que jamais un rôle à jouer, mais un rôle qui évolue continuellement, dans un paysage institutionnel de plus en plus éclaté et face à des situations de plus en plus variées et complexes. L’aide française, en projet de se reconstruire, doit donc définir ses orientations à venir de façon sélective en privilégiant les domaines d’intervention où son action aura la plus grande utilité. Il a donc été décidé de limiter le champ de ce rapport à cinq thèmes qui ont paru essentiels à la mission. La première partie de ce rapport pose très simplement la question de la finalité de l’aide publique au développement et de son bilan au cours des dernières années. Alors que le monde évolue et que le développement progresse d’une manière globale, l’aide publique au développement doit s’adapter aux multiples évolutions qui ont lieu, parfois très rapidement. C’est ce que tentent de faire les acteurs de l’aide en adoptant des feuilles de route successives comme les objectifs du millénaire adoptés en 2000, puis les Objectifs du Développement durable de 2015. Mais il importe de ne pas lâcher la proie pour l’ombre et de ne pas perdre de vue les objectifs premiers de l’aide, qui visent à sortir de la pauvreté les pays qui en ont le plus besoin. Multiplier les objectifs, les sous-objectifs et les indicateurs peut conduire à une dispersion qu’il faut éviter. La deuxième partie du rapport concerne la trajectoire programmée de l’aide française et vise à rappeler que l’augmentation prévue ne saurait être simplement quantitative, mais doit s’accompagner à la fois des rééquilibrages nécessaires demandés depuis longtemps par le parlement, et de mesures d’accompagnement qui paraissent indispensables à la lumière des expériences étrangères, notamment allemande et britannique. La troisième partie du rapport traite du pilotage de l’aide française, qui a fait l’objet depuis maintenant vingt ans d’une série de réformes n’ayant jamais abouti à un résultat pleinement satisfaisant, notamment parce qu’elles n’ont jamais remis en cause l’éclatement administratif de l’aide, pendant de son éclatement budgétaire. Ce rapport recommande le regroupement des principales administrations de l’aide publique au développement au sein d’un ministère de plein exercice, seul moyen pour qu’une véritable stratégie d’aide publique au développement, plutôt qu’une série de compromis, puisse être conçue et mise en œuvre. Les quatrième et cinquième parties du rapport concerne deux thématiques qui ont paru à la mission fondamentales, la démographie et la sécurité. La démographie, qui fait l’objet de la quatrième partie, conditionne largement les chances de développement d’un pays. L’exemple du Niger, où la mission s’est rendue au mois de mai 2018, permet d’illustrer la complexité et l’importance de cette thématique. La maîtrise de la fécondité dans les États du Sahel paraît en effet indispensable à une véritable sortie de la pauvreté, mais les clefs de cette maîtrise, qui passe entre autres choses par un meilleur accès à l’éducation et à la santé, sont complexes. L’aide au développement est ici confrontée à un défi qui demande à la fois une volonté politique claire de la part de tous les acteurs, bailleurs comme bénéficiaires de l’aide, mais également une compréhension et une connaissance intimes des pays et des sociétés concernés, et c’est justement ce que l’aide au développement, dans sa configuration actuelle, peine à mettre en œuvre. La sécurité, qui fait l’objet de la cinquième et dernière partie, est quant à elle à la fois une condition indispensable au développement et une des conséquences que l’on peut en attendre. Contrairement à la démographie, la sécurité a toujours été au cœur de l’aide au développement, mais cette thématique demande aujourd’hui une approche renouvelée, et notamment la disparition de certaines barrières juridiques comme psychologiques, qui ont longtemps empêché les acteurs de l’aide de travailler avec ceux de la sécurité. Ce rapport forme le vœu que la trajectoire budgétaire assignée par le gouvernement à l’aide publique au développement française soit accompagnée à la fois des rééquilibrages nécessaires entre ses différentes composantes et de la mise en œuvre d’une véritable stratégie d’aide qui produise des effets concrets et non un simple affichage.